Wat Phou et Pakse

Le voyage en bus depuis la station des 4000 îles ne dure qu’une heure et demi environ, dans un grand bus climatisé avec siège massant, un grand luxe !  Pakse est connu pour son tour du plateau du Bolaven que je ne ferai pas.

En fait, je souhaite visiter le temple de Wat Phou, un temple Khmer plus ancien que Angkor ; aujourd’hui, situé au Laos, ce qui explique mon arrêt dans cette ville.

J’arrive assez tard, il fait presque nuit. La guest house, Kai Lions est assez glauque, peinte en noir mais tout est propre et le tenancier, un Laotien qui a vécu aux États Unis, parle un Anglais avec un accent Américain prononcé ; Il est sympa et flegmatique. En parlant avec lui, il me semble qu’il serait plus heureux au pays des cow-boys que dans sa ville natale. Nous organisons un voyage pour Wat Phou demain matin. Il fait déjà nuit et il me dit de faire attention à en pas aller trop loin toute seule ; première fois que j’entends cela depuis que je suis partie. J’avais regardé pour dormir directement à Champassak, la ville à côté du temple mais j’ai bien fait ; même si Pakse ne me dit rien, je ne suis pas fan de l’ambiance qui règne dans la ville du temple, … Je pars faire un petit tour de la ville mais pas trop loin, j’écoute les conseils des gens d’ici.

Départ matinal pour Wat Phou, le chauffeur fait un curieux circuit, je ne m’étonne même plus. Il ne parle pas anglais ; au bout d’une petite heure de voyage, il me débarque seule au milieu du village, il me montre que je dois me diriger vers le fleuve. Je lui confirme comme je peux qu’on vient me chercher à 15h. Il me dit de suivre un jeune ado pour traverser le Mékong ; C’est toujours une joie de naviguer sur ses eaux qui me donne une sensation d’aventure ; cela me rappelle les années vécues au Vietnam. Nous empruntons une étroite barque de bois ; il y a une fente à l’avant, qui je le saurait plus tard, sert à faire passer les deux toues. Une petite surélévation plane permet de monter dessus car son étroitesse ferait dangereusement tanguer la barque. Un moteur de tracteur nous propulse sur l’eau.

Le bateau accoste devant une drôle de dune de sable. J’arrive dans un autre village assez désert mais qui lui, est asphalté. Un tuk tuk me propose de me conduire au temple et me demande littéralement une fortune pour y aller. Je continue mon chemin et après un certain temps, je croise un autre un tuk tuk; il n’y en n’a pas foison. Le véhicule est peint de toutes les couleurs ; le chauffeur porte une chevalière en or et une chemise Burburrey, imitation ou vraie tombée du camion, lunettes de soleil Ray Ban, apparemment, le job de chauffeur de tuk tuk à Champassak est bien mieux rémunéré que celui des villes. Il me demande le même prix que le premier ; je ne vois personne d’autre et les applications de type Uber ici ne fonctionnent pas. Bon…pas le choix.

Comme pour la plupart des temples, il faut marcher pour arrive à Wat Phou. Des bus électriques sont à disposition, c’est assez déplacé (sans jeu de mot !)  Par rapport au reste du village.

Arrêt du temps, silence casi total à part les nombreuses vaches en liberté qui font sonner leur cloche, ce qui donne une atmosphère bucolique au site. Un grand lac devant deux premières constructions typiques d’Angkor, la même architecture, mêmes matériaux et même organisation de l’espace. Arrivée sur les constructions rectangulaires avec les typiques colonne qui offrent des espaces ouverts qui ont dû être à l’époque de grandes cours closes de mur. Il faut emprunter le passage aux dizaines de phallus de Shiva, pour ensuite accéder à un autre passage avec des sculptures identiques de plus petite taille.  Shiva est un dieu suprême dans la religion Hindoue, il est habituellement représenté par un phallus, le Shiva lingam. “Emblème du feu divin dans le monde Indo-Européen, c’est un symbole de création ; associé au Yoni, une dalle de pierre qui représente l’organe féminin ou matrice du monde”.

Un peu plus loin, je croise un groupe de Japonais sortant du site, silencieux, presque en recueillement ; l’un d’eux, en bob et lunettes de soleil semble complètement déphasé. Je vois que le temple a un effet atomique sur les gens ; cela ne m’étonne pas. J’ai repris du poil de la bête depuis mon départ de Siem Rep et de la visite de la dizaine de temple, je suis parée !

Premier escalier, la terre s’est déplacée et a bougé les centaines de dalle au sol, en marchant dessus, cela me fait penser au jeu de la marelle… Sautillant sut les dalles, j’atteins un autre escalier fatigué, usé par les milliers de passages : les pierres le constituent commencent à former un U dangereusement prononcé. Il tient bon ; gardé par deux arbres, non moins anciens, avec leurs racines imbriquées dans les pierres. Des symboles de lotus sont gravés dans la pierre du limon de quelques marches ; j’en ai déjà vu à Angkor ; le dessin est d’une extrême délicatesse et miraculeusement intact.

Je continue mon chemin pour arriver à un escalier beaucoup plus droit, marches étroites, cela rappelle des souvenirs. Les gens se raccrochent aux murs latéraux pour descendre. Nouvelle ascension, non moins aisés que la descente. En arrivant au somment, sur une plateforme, la première chose que je vois est une sorte de buvette avec des frigos remplis de différents breuvages ; je pense que nous nous demandons tous comment les gérants de cette échoppe ont fait pour transporter toutes ces boissons !

Je lève les yeux et vois un petit temple bien abimé, du même caractère que Angkor mais plus ancien. Sur plusieurs de ses côtés s’est installé du vert-de-gris et d’innombrables pierres sont sur le point de tomber. Je retrouve les mêmes figures de Bouddha devant les portes du temple.

Wat Phou est nommé après la montagne qui porte ce nom. C’est un ensemble de différents temples semés à quelques kilomètres les uns des autres.  Le temple est déclaré au patrimoine de l’Unesco en 2001. Les premières pierres du site furent érigées depuis le Vème siècle qui a connu divers remaniements au cours du XI et XIIIème siècle.

Son temple dispose de structures uniques et proche d’une eau de source, considérée comme sacrée et qu’on utilise pour baigner les éléments de construction. Plus tard, le site fut transformé pour l’adoration à Theravada qui veut dire en sanscrit “doctrine des anciens,” une des premières doctrines à former le Bouddhisme.  Il est encore utilisé aujourd’hui. On dit que le temple garderait des reliques de ce qui fut une bibliothèque.

Le temple fait face à un paysage à 180º et en hauteur, c’est magnifique.

En rentrant dans le temple, j’ai l’impression de m’effacer… Les portes sont basses, des linteaux de Bouddha montant un éléphant, au-dessus de la porte gauche et montant un lion au-dessus de la porte droite. C’est œuvres d’art sont spectaculaires et très en relief.

Je rentre dans le saint des saints ; un petit bouddha de pierre de facture très simple et bien ancienne par rapport à la richesse de détail de ceux situés à Angkor. Au-dessus de lui trône un grand Bouddha paré d’or scintillant, Lui aussi arbore un visage plus simple, bien différente des Bouddha que l’on voit dans les temples.  On sent l’ancienneté et le sacré de ce lieu, comme si le fait d’être situé bien loin du site Angkor ou de ses congénères avait une raison. Peu de pèlerins peuvent s’y tenir à l’intérieur, tant le temple est petit.

Personne ne parle ou très peu, même en pleine nature.

Derrière l’édifice se dresse un haut mur, constitué de gigantesques pierres noires, lisses et rondes. Elles protègent une sorte d’étroite cave dans laquelle on a déposé plusieurs Bouddhas et pièces dorées à la feuille d’or d’un côté, et de l’autre on entend d’abord plus qu’on ne voit, une fontaine de la fameuse eau de source qui sort d’une bouche de dragon, délicatement taillée dans la pierre, dont le tuyau de pierre également, représente le corps de l’animal. Derrière la fontaine s’élèvent des cairns, sûrement érigés par des touristes qui ont souhaité laisser la marque de leur passage. Je vis entre ciel et terre. Je flotte, légère.

À droite du temple se trouve un petit stupa de pierre qui est surélevée, dominant tout le paysage. À côté, d’autres imposantes pierres arrondies et polies, son comme posées au sol ; elles me rappellent les chaos en Bretagne. Ces pierres invitent à s’assoir, ce qui n’est pas de refus, il faut chaud et sec ; vivant en Catalogne, et dernièrement, sur différents pays d’Asie du Sud Est, je n’ai plus l’habitude de la sécheresse.

Tout n’est que paix -j’inspire, j’expire- hors du temps et reculé du monde, je commence à comprendre ce Japonais qui était absent de son environnement et de ses amis ; comme moi à l’instant… nous avons peut-être rejoint à ce moment-là les moines Bouddhistes, Bouddha, allez savoir…

Il faut songer à redescendre sur terre, au sens littéral du terme. Le même parcours à l’envers ; je ne sais pas si vous vous êtes aussi rendu compte qu’on voit rarement la même chose lorsque l’on revient sur ces pas. Je ressens cette atmosphère surréaliste, je me rapproche des sons de cloche, je passe l’étang de nénuphar presque noirs ; un mini bus électrique vient de laisser des voyageurs et je repars avec lui. Je retrouve mon chauffeur lunetté qui me conduit au débarcadère.

Là, je demande un passage pour aller de l’autre côté et une personne, assise à l ‘ombre, sous une petite paillote, me dit d’attendre ; je ne sais pas si c’est le gardien du passage ou le vendeur de soda et chips. Vive le traducteur d’internet !! Je dois attendre quelque chose mais je ne sais pas quoi, je dis que je ne veux pas perdre mon bus qui doit arriver d’ici une heure mais ici les horaires sont flexibles et je ne peux pas rester bloquée ici.

En fait, c’est mon conducteur de barque qui doit arriver, mandaté par le chauffeur du Shuttle pour me faire traverser le fleuve. Ce qui est magnifique, c ‘est qu’on a l’impression que certaines choses sont laissées au hasard, mais finalement, tout se passe bien !!!

Nouvelle attente dans le petit village que l’on pourrait croire médiéval, personne n’est dehors, ce n‘est pas étonnant, le soleil frappe... Les rues sont faites de sables, les maisons des paillotes, pas de tout à l’égout mais on ne manque pas de frigidaires vitrés avec tout ce que vous souhaitez de boissons édulcorées orange ou vert pétant.

Arrivée à Paksé, il est encore tôt. Je vais faire le tour du centre-ville qui n’est pas grand, je longe le Mékong mais je ne vois rien d’attirant. Pas de belle architecture, pas d’arbres, la ville est bruyante et moche, Je ne vois aucun échange entre les gens, pas de sourires. La seule éclaircie est de trouver un spa qui proposer de la réflexologie ; cela est très tentant car les aventures en bicyclette et les kilomètres effectués à Wat Phou ont eu raison de mes jambes. C’est un moment d’échange drôle avec la masseuse très sympa mais qui a son caractère, face à la responsable du centre, qui veille à ce que ses filles donnent un service optimal à la clientèle ; une sorte de madame Claude du massage, sans prostitution. Je sors bien plus légère, je dîne tôt et repars à la guest house qui se trouve juste à côté.

J’organise mon départ demain avec le directeur de l’auberge. Demain, nouvelles aventures à Savannakhet qui se trouve à l’un peu plus au nord, en longeant le Mékong.

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