Siem Reap
C’est parti pour Angkor ! On vient me chercher à l’auberge en tuk tuk, pour m’amener à la station de bus. Le jeune homme qui conduit souhaite converser, il parle bien l’Anglais. L’échange est difficile vu le bruit environnant qui devient familier. Il me dit qu’il a étudié l’Anglais, et qu’il souhaite travailler dans le tourisme ; il a tenté le métier de guide mais cela n’a pas marché, pour je ne sais quelle raison ; il semble vraiment déçu.
Je ressens tellement le découragement à Phnom Penh ; les gens ont faim, il y a de plus en plus de violence et de racket en ville. Les locaux se font détrousser à Sihanoukville ou racketter, c’est selon ; les petites frappes intègrent la mafia chinoise... J’entends même parler de vente d’organes. Nous sommes loin du paradis Asiatique…
Le mini van est presque neuf et confortable. Il est plein à craquer. Direction Siem Reap, 320 km et 5h de route environ… La route est correcte et nous nous arrêtons pour manger rapidement.
J’ai réservé dans une auberge pour les jeunes, avec tout ce qu’il faut pour festoyer mais surtout, il y a de l’espace extérieur ; les chambres sont grandes, peu de lits, il y a même une antichambre avec dressing avec chacun son placard. Les lits sont bien plus larges que la moyenne. Je suis ravie, dormir est primordial on le sait bien. Grande salle de bain, nettoyée très régulièrement, que demander de plus!
Je dépose et vide rapidement mon sac pour partir à la découverte de la ville. Il fait chaud et sec… Je pars dans le mauvais sens mais je finis par traverser la rivière du même nom que sa ville et j’arrive dans un grand parc avec des arbres géants. À côté de la berge, il y a de drôle d’engins scellés au sol et à la tombée de la nuit, tout s’éclaire, si je puis dire, car ces machines sont utilisées pour faire faire du sport ; les citadins s’affairent avec sérieux, un prof de sport fait danser des femmes tout âge confondu ; des jeunes jouent au badminton, l’ambiance est chaleureuse avec une belle entente entre tous qui fait plaisir à voir.
C’est encore l’après-midi et je déambule tête en l’air ; un petit marché vend des fleurs de lotus, aujourd’hui, c’est le dernier des 3 jours pour donner des fleurs de lotus en offrande à Bouddha.
La ville est jolie, je retrouve de nombreuses constructions coloniales de différentes tailles selon les quartiers et face à la rivière. Ce sont des constructions imposantes qui aujourd’hui, sont transformées en hôtel de luxe.
On pourrait croire que nous sommes dans un pays différent ; le nord du Cambodge est bien différent du sud ; plus riche grâce au tourisme, mieux conservé et mieux organisé. Opulent est le mot mais avec recherche et élégance.
Je vais connaître petit à petit la ville, comme il se doit et les quartiers sont bien différents les uns des autres.
Mon auberge est située dans un quartier relativement calme, avec quelques restaurants mais pas de bars. Ici comme partout en Asie, on vit avec le soleil qui se lève à 6h et se couche à 18h. À part les bars, rien n’est ouvert après 11h du soir.
Dès la nuit tombée, des petits restaurants s’ouvrent le long de la rivière, la cuisine est un tuk tuk transformé avec des tables et chaises en plastique ; on peut manger des riz frits, des brochettes de viande marinée ou autres spécialités du coin. Un peu plus loin, on trouve le marché de nuit, très prisé dans ces contrées qui vend exactement la même chose, à quelques détails près que le marché normal.
Un peu plus loin se trouve le temple Wat Bo.
De l’autre côté de la rivière, à 300 mètres de mon auberge, se trouve le centre pour touristes et le marché de ”jour”. J’y trouve une tunique brodée que je ferai repriser par la couturière car elle est trop large. Sa machine est coincée entre un étal de fruits et un autre de poisson. Elle a son petit coin à elle. On se comprend facilement (heureusement), beaucoup de gestes avec les mains, c’est finalement le langage universel.
Je continue mes pérégrinations, ici un endroit pour mon petit dej demain, avoine, fruits frais et lait de coco miam ! Je ne retrouve pas les délicieux petits déjeuner Indonésiens. Le Cambodge et le Laos n’ont pas la notion des intolérants au gluten ni lactose, heureusement que c’est un pays de riz !!
On trouve quand même beaucoup de chose à Siem Reap que je ne retrouverai pas par la suite...
Si nous continuons vers le nord, la fameuse pub street, qui n’a de fameux que ses bars et sorte de discothèque ouverte, accompagnés de boutiques de toute sortes, des magasins tenus par des étrangers, avec un style plus recherché et beaucoup plus cher et bien sûr, les produits locaux.
Les massages sont également à disposition pour ceux qui le souhaite, à des prix que nous ne connaissons pas en Europe, vous pouvez vous faire masser plusieurs fois par semaine sans la moindre culpabilité. À l’inverse de l’Indonésie, je ne ressens pas un pays du massage. Là-bas, les massages sont de qualité et ceux qui les prodiguent souhaitent donner le meilleur soin possible ; les massages sont effectués avec cœur et une bonne volonté ; je ne suis jamais sortie d’un spa en étant déçue. J’ai l’impression, qui est bien personnelle, que les masseuses ici le font parce que c’est un job comme un autre et que les touristes en demandent donc, il faut le proposer…
Un peu plus loin, en partant du quartier entre le parc avec son marché aux fleurs de lotus, je me perds dans un quartier qui n’a rien d’attrayant, un quartier neuf, beaucoup plus bruyant et “busy”. Je pars vite de ce quartier pour me retrouver dans un lieu d’un calme presque de mort comparé à celui d’avant. Je trouve d’ailleurs sur mon chemin un tuk tuk garé sur le trottoir, à l’ombre entre deux arbres, avec son conducteur endormi. Il a installé son hamac sur la longueur de son véhicule et fait sa sieste. N’est-il pas le roi du monde ?
Je tombe sur le quartier huppé de Siem Reap, des arbres centenaires bordent chaque côté de la rue, je ne saurai donner leur hauteur en mètres mais plutôt en étages, 7 ou 8 minimum, incroyable ! De magnifiques bâtiments coloniaux restaurés avec goût nous invitent à entrer, comment refuser ? Tout est beau. Je penche pour un immeuble tout blanc, disposant d’un vaste porche, son sol carrelé noir et blanc reflète ses couleurs dans la décoration et ses meubles, des ventilateurs dispensent une jolie brise et on vous propose une chaise ou des grands sofas balançoire situés au-dessus d’un bassin pourvu de plantes aquatiques. Je saute bien sûr sur la balançoire et commande un thé au jasmin.
Dans les environs se trouve le marché artisanal que je vous recommande et qui regorge de merveilles.
Un peu plus loin, je retrouve le parc que j’avais découvert le premier jour et je passe devant la résidence royale, de la même facture que celui de Phnom Penh, dont les portes sont affublées de deux imposants gardiens de pierre. Une fois à l’intérieur, vous devez montrer patte blanche en passant entre deux lignes d’autres gardiens sculptés et armés jusqu’aux dents, histoire de vous inciter faire profil bas, une fois passées les portes du palais.
Retour vers l’auberge, je suis assez loin, je prends la rue qui borde l’eau, ce que je ferai presque tous les jours. Vous pouvez cheminer sur le trottoir le long de splendides édifices anciens, galeries d’art dans lesquelles vous trouvez des trésors, restaurants ou bars qui ont su conserver leur raffinement colonial ; ou bien longer la rivière. De chaque côté, les géants verts nous accompagnent et nous murmurent de jolies choses.
Je ferai toutes ces découvertes sur plusieurs jours car la ville est assez grande.
Je terminerai en passant dans un quartier pour les touristes, que je trouve moche car je n’ose dire hideux. Je ne sais pas pourquoi je ressens cela mais il n’y a rien de local, les restaurants pour les touristes qui ne veulent pas manger les plats du pays, coincé entre un marché sans âme et le quartier de pub street.
À Siem Reap, vous trouvez toutes sortes de restaurants, de la cuisine Cambodgienne de rue à des restaurants plus sélectes, de la cuisine française, cuisine indienne, des hamburgers pour ceux qui ne peuvent pas s’en passer. La plupart des restaurants sont très bien conçus, sauf dans cet endroit que je viens de décrire.
Comme dans tout grand voyage, on tombe malade au moins une fois. Je ne connais pas vraiment la cause, mais je me suis retrouvée avec une bonne grosse gastro entérite avec un degré de déshydratation telle que j’ai dû passer par la case hôpital afin de recevoir une perfusion. J’étais dans un tel état de faiblesse que je suis tombée dans les pommes et sur le dos, ce qui m’a valu quelques semaines assez difficiles pour me déplacer et porter mon sac. Ne pas faire l’impasse sur une bonne assurance de voyage si vous partez plus d’un mois.
L’hôpital de Siem Reap était vraiment très bien ; on retrouve l’attention médicale comme dans tout hôpitaux car il ne faut pas oublier que les médecins et employés hospitaliers ont foi en leur métier, ils vivent dans des conditions très difficiles, avec des horaires que peu de gens pourraient supporter, et pour souvent un salaire misérable. Néanmoins, ils nous offrent sans retenue tout leur soutien, leur empathie et leur gentillesse.
Je ressors très tard dans a nuit car je ne veux pas rester dormir là-bas; retour à l’auberge et les jours suivants seront très lents. Les antibiotiques ont un effet très rapide sur mon organisme, surtout que je ne prends presque jamais de médicaments mais les douleurs de dos m’empêchent de me déplacer longtemps.
Il y a pire que Siem Reap pour faire un arrêt obligatoire. Je prends mon mal en patience et je bouge un peu plus chaque jour.
À part les temples d’Angkor, il y a parmi plusieurs possibles sorties deux endroits intéressants que je vous recommande. La première est la “ferme de lotus”. Le lotus possède diverses propriétés. Une huile essentielle est extraite de de la fleur et qui a des propriétés apaisantes. Les graines fraîches de fleur de lotus sont comestibles ; elles ont des vertus antiseptique et anti fongicide et aident également à une bonne digestion. La fleur et la tige possèdent des propriétés de purification de l’eau.
Il y’a toute une explication sur la production de soie à partir de la fibre de la tige de lotus ; comme la production est essentiellement faite à l’origine pour ses fleurs, un Français a décidé d’utiliser ses “déchets” et ce, dans un cadre associatif afin d’employer toute une équipe locale. On ressent d’ailleurs très fortement un esprit de famille dans ce lieu. Les ventes des visites et produits de fabrication sont essentiellement utilisées pour cette association. Le but principal est de créer 0 déchets.
Une fois la fleur coupée, cette ferme utilise les tiges pour divers usages. En premier lieu, utiliser la fibre des tiges afin de créer des tissus 100% soie de lotus ou mélangés à d’autres fibres. Ensuite les tiges préparées et mélangées avec de la farine de riz donne un beau papier épais qui est décoré de fleurs. Un autre procédé permet de produire du plastique végétal.
Ces mêmes tiges une fois la soie récupérée peuvent être utilisées pour couvrir les cultures ou encore pour purifier de l’eau.
Je dois dire que je n’avais jamais vu de fleur de lotus qui enivre de son parfum et sa texture est douce et charnue. J’ai acheté une eau florale de lotus, qui malheureusement ne reste pas longtemps sur la peau, mais qui est un pur ravissement olfactif.
La visite de la ferme de vers à soie était un imprévu dans mes visites, j’ai booké sans le savoir la visite de ces deux fermes au lieu de la visite de la production de soie de lotus et une odyssée sur le lac de pousse de ces fleurs. Qu’à cela ne tienne, je tiens absolument à voir les fleurs de lotus dans leur environnement, j’y retournerai le lendemain. Départ dans une petite barque qui file à toute allure dans un bruit de moteur de tracteur. Nous passons les buffles d’eau impassibles et nous arrivons en plein champs aquatique de lotus, la barque est ralentie par les tiges et les racines ; le soleil se reflète sur le lac, de même que sur les gouttes d’eau posées sur les nénuphars. Les fleurs sont à différents stades de maturité. Les libellules volent avec les papillons. Je vois une sorte de construction végétale rose bonbon qui rappelle le cœur des fleurs de lotus sur une feuille de nénuphars. Qu’est-ce-donc ? C’est un escargot…
Il y règne une paix et une joie indescriptible sur ce lac aux mille fleurs. Sont-ce les propriétés apaisantes des lotus qui, présents par milliers dégagent cette ivresse ? Je dois faire des recherches là-dessus !!
Les conducteurs des barques nous fabriquent, tout sourires, des chapeaux, des colliers et un énorme bouquet de fleurs de lotus. C’est un vrai cadeau !
Moins bucolique mais instructive, la visite continue sur la ferme de soie. Je ne connaissais que vaguement le processus de sa fabrication.
Je partage la visite avec une étudiante Canadienne qui a pris une année sabbatique. Nous arrivons dans ce centre très agréable, avec des fleurs et des fontaines, assez éloigné de la ville.
Un jeune Cambodgien parlant parfaitement l’Anglais sera notre guide.
Nous voilà arrivés dans un champ de mûriers qui sont ratiboisés. Les feuilles sont plus importantes que la hauteur des arbres.
Nous arrivons ensuite à la culture des vers à soie, avec toutes les étapes de croissance des vers. Ils sont posés sur des grands paniers plats. À leur stade le plus avancés, ils peuvent mesurer plusieurs centimètres de longueur. Ils sont nourris de feuilles de mûrier et pour les plus petits qui ne mesurent que quelques millimètres, plusieurs employés doivent les retirer un par un pour changer leur lit de feuilles. C’est un travail minutieux.
La dernière étape est la construction de leur cocon, que l’on dispose sur des branches mortes, sur une sorte de balai genre Harry Potter pour les adeptes, avec un manche bien plus court.
Les cocons sont ensuite bouillis en deux fois. Un cocon peut mesurer jusqu’à 900 mètres de longueur, c’est énorme ! Le cocon est bouilli une première fois et le premier fil, d’environ 300 mètres, produira de la soie sauvage, épaisse et rugueuse ; le reste sera bouilli une deuxième fois pour tirer le fil de soie bien plus fin.
Hélas, le ver à soie est bouilli avec le cocon ; on le mange, d’ailleurs, on m’en propose mais franchement, je ne suis pas encline à goûter…
Nous voyons ensuite le bobinage et la teinture des fils ; depuis des petites bobines, à un rouleau mesurant bien 70 cm de diamètre. C’est un procédé laborieux et les femmes doivent savoir d’où viennent les fils qui se cassent pour les rassembler sur cette grosse bobine. Ensuite vient un procédé incroyable, la teinture avec des motifs dont les quenouilles seront utilisées directement dans le tissage. Ces fils sont montés en tableaux et des motifs sont créés à partir de fils cachés sous des scotches et trempés dans plusieurs bains de couleur (une sorte de processus similaire au batik).
Ensuite, nous arrivons aux ateliers de métiers à tisser qui proposent des tissus avec des motifs ou non, plus ou moins élaboré. Divers motifs sont directement copiés des temples d’Angkor.
J’ai eu la chance de passer le jour de l’an à Siem Reap. En arpentant la ville, je trouve Célie que j’avais rencontrée à Phnom Penh avec qui j’avais dîné le 24 décembre au soir. Nous passons le réveillon du 31 décembre ensembles. Les rues sont en liesse, la joie bonhomme des Cambodgiens est contagieuse, et tout le monde est dehors, petits comme grands.
Après un bon repas, nous nous dirigeons vers pub street pour voir ce qu’il se passe là-bas. Toute la rue est pleine à craquer de touristes dansant sur ces musiques qui ne m’enchantent pas vraiment et juste à côté, un coin plus “local” avec des musiques traditionnelles. Les Cambodgiens, femmes et hommes dansent avec des mouvements ravissants, presque efféminés pour les hommes ; tout le monde est heureux. Je demande à une personne de me montrer les mouvements basiques et nous voilà dansant avec les Cambodgiens qui rient de nous sans malice. Finalement, d’autres gens viennent nous rejoindre. Je ne sais comment, nous nous finissons par nous déplacer en forme de cercle, nous sommes nombreux ! une jeune fille arrive et dispose une chaise au milieu du groupe et installe ensuite une plante dessus et nous tournons tout autour. Y a-t-il une signification à cela ? D’autres touristes viennent se joignent au groupe. C’est un moment dont je me souviens avec plaisir car nous avons eu ici un très bel échange inter-culture ; fêter tous ensembles une nouvelle année que nous espérons tous prospère et agréable; pourquoi ne le serait-elle pas si elle a commencé ainsi?
Au loin, se trouve le site d’Angkor, à 7 km du centre. C’est comme si je ressentais une vibration ancienne, bien plus puissante que celle de la ville, comme si elle insufflait son énergie à des lieues de distance.
Angkor, merveille parmi les merveilles qui sommeille à la nuit tombée, repue de ces milliers de touristes déversés chaque journée et qui malgré tout, conserve et nous transmet ses secrets, nous entoure de son énergie lumineuse et bienveillante.
Demain, je partirai à la rencontre de ce lieu sacré, profitant du soleil couchant sur Angkor Wat et de ses reflets rouges, découpant la beauté architecturale dans sa lumière de feu.