Les cénotes

La définition littérale d’un cenote est “une caverne avec de l’eau”. Ces cavernes sont situées dans des profondeurs plus ou moins grandes. On estime qu’il en existe un nombre considérable, entre 7000 et 8000 seulement dans le Yucatán. Également nombreux dans la province de Quintana Roo jouxtant le Yucatán, ils sont situés proches des temples, comme Tulum, par exemple. Certains possèdent des ouvertures à la surface, qui éclairent plus ou moins le cenote selon leur ouverture, d’autres sont totalement fermés à la lumière du jour, formant des grottes souterraines. Ces grottes sont constituées de sédiments qui au fil du temps se sont solidifiés et convertis en roche calcaire. Sous cette roche solidifiée, se trouve une autre couche calcaire, mais celle-ci, beaucoup plus friable et soluble. Au fil du temps, le poids de la roche finit par s’effondrer et créer un cenote ouvert au monde.

La plupart des temples Maya du Yucatán sont construits proches des cenotes qui, en plus de fournir de l’eau potable, facilitait la connexion avec le divin. Chichén Itzá est-elle même construite sur un cenote central et entourée de 4 autres cenotes situés sur les points cardinaux. Au niveau terrestre et matériel, les cenotes représentaient une manne d’eau douce dans une région dans laquelle l’eau potable est assez limitée. Les cenotes pouvaient fournir l’eau nécessaire à la vie quotidienne.

Selon la tradition Maya, les cenotes sont considérés comme le ventre de la terre, lieux sacrés et portails permettant de communiquer avec le monde souterrain, lieux où les âmes transitent vers le paradis nommé Xibalba. De nombreux rituels se pratiquaient dans ces cenotes, de rituels pour la vie, la mort, pour incanter la pluie, la renaissance ou la fertilité. Certains pratiquaient des sacrifices d’animaux voire d’humains, car le sang était considéré comme un support très puissant pour communiquer avec le monde de l’eau delà... On a d’ailleurs retrouvé des pièces de céramique pour les offrandes, des bijoux et restes humains.

Les cenotes sont les prémices du chemin mystique et le voyage vers Xibalba, non seulement pour les défunts mais aussi pour entrer dans sa dimension intérieure qui nécessite un certain état de conscience modifiée et ainsi devenir un nouveau soi.

Le premier cenote que j’ai visité se trouve en plein centre de Valladolid. Il a pour nom Zaci et il est ouvert à la lumière du jour dans sa casi totalité. Il reste néanmoins un chemin sous terre pour y accéder. Lorsque je suis arrivée, il y avait déjà pas mal de monde mais le contraste entre l’ombre et la lumière, les couleurs et l’eau qui coule du plafond créent ensemble une atmosphère bien particulière. Les cris des enfants et des plus grands, ravis de se rafraîchir, ce lieu ravissant et étrange me procurent paix et recueillement.

Pour tout dire, je ne m’étais renseignée sur aucun des lieux attractifs à visiter car le départ fut assez mouvementé. Il y avait beaucoup de chose à obligatoirement terminer avant de partir et donc, je n’ai pas eu le temps de m’informer, ce qui finalement, est un grand avantage. Je n’ai pas d’expectative sur les lieux que je souhaite visiter, j’écoute les avis de mes colocataires éphémères, j’expérimente et ressens sans aucunes limites car je n’ai pas d’informations. 

Je suis allée visiter le cénote de Suytun. Ce fut une deuxième expérience à laquelle je ne m’attendais pas. Suytun est en fait un ensemble de deux cenotes : l’un ultra touristique et très connu car beaucoup de touristes et influenceurs se doivent d’aller se faire faire le portrait et un autre moins connu et pourtant!!. La descente pour parvenir à l’eau est assez longue et petit à petit, on plonge dans l’obscurité, la musique de l’eau qui tombe du plafond en milliers de gouttes se fait plus présente et le lieu requiert le silence. Point de cris d’excitation ou même de conversation. Il y a déjà quelques personnes qui attendent pour pouvoir faire la photo qui a rendu célèbre ce lieu magique alors qu’il est encore tôt. Le cenote est totalement fermé, il forme une grotte et les lumières artificielles se reflètent dans une eau cristalline.  Il y a juste une petite ouverture à l’extérieur qui forme une lumière et qui donne à l’eau un vert incroyable ; on aperçoit ensuite, plus en profondeur, le sable blanc. Dans l’obscurité de la grotte, on ne voit pas autant de transparence mais toute de même assez pour y voir des poissons chat d’une quinzaine de centimètres de long. L’ambiance est très spéciale et cela fait quelque chose de se baigner dans l’obscurité. L’eau est froide mais curieusement au bout d’un moment, on ne la sent plus. Malgré le gilet obligatoire qui me gêne, je vogue d’un endroit à un autre. La sensation est indescriptible ; je me sens plus vivante mais je suis proche d’un autre monde qui est inconnu et profond mais qui ne rend pas mal à l’aise. Je décide d’aller vers le point de lumière fournie par l’ouverture. Entre deux mondes, dans l’obscurité mais aussi réchauffée par le soleil qui traverse un tout petit point du plafond et la couleur verte de l’eau, je flotte dans un état second, ni dans un monde ni dans l’autre. Il n’y a plus rien autour de moi et dans une sensation d’apesanteur, je suis et ne suis plus.

Retour à la terre, aux roches humides et froides. Je remonte petit à petit vers ce monde merveilleux ; je retrouve les arbres, les oiseaux et les hommes. Encore abasourdie, je rencontre un très jeune homme à demi maquillé en Balam, le jaguar, symbole de la puissance pour les Mayas, mais aussi symbole de la mort et du monde souterrain, du ciel nocturne et des pratiques chamaniques. Bien que respirant la jeunesse, on sent chez lui une sagesse d’ancien. Il commence à me parler de la culture Maya et de la manière de dire bonjour qui fait écho à l’unité entre les hommes. Incroyable… Je reviens de la grotte et à moitié éblouie par le soleil et par ce jaguar humain, la conversation est surréaliste. Je repars en reprenant les marques terrestres. 

C’est parti pour le deuxième cenote. L’accès est beaucoup moins pratique, on sent qu’il est moins visité, tant mieux ! J’arrive sur cette eau ouverte au monde, à la lumière et à la végétation. On aperçoit un arbre à une quinzaine de mètres en hauteur ; le monde est à l’envers. Il y règne une paix digne du jardin d’Eden. Il est moins visité car l’eau est trouble et de couleur terre, elle parait spongieuse. Au centre du cénote trône un magnifique totem à l’effigie du Ku Kul Kan qui ne doit pas être très loin car bien qu’il y règne un calme magnifique, je ressens une grande puissance. La lumière du soleil est éblouissante, il y a des poissons chat, des papillons et des libellules ; Je perçois au loin des cris d’oiseaux que je ne reconnais pas... Je reste un temps certain sur la dernière marche, seule au fond de ce cratère accueillant et illuminé qui appelle à la méditation et à la joie d’être vivante.

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